Quand les femmes se sentent libres dans leur rapport à l’argent, quand elles comprennent de quelle manière il peut être un soutien à leur évolution et leur permettre de se connecter à leur puissance de femme, alors elles peuvent s’accomplir, prendre la place et la rémunération qui leur reviennent.
J’ai grandi dans une famille traditionnelle. Mon père adorait son métier et ramenait l’argent à la maison. Comme beaucoup d’épouses d’indépendants de sa génération, ma mère occupait tous les autres postes sans aucune rémunération. Petite, j’ai donc enregistré qu’une femme devait soit trouver un mari qui rapporterait l’argent tandis qu’elle s’occuperait du foyer, soit, et c’est ce que ma mère désirait pour moi, obtenir un diplôme, travailler fort dans un job qui rapporte argent, sécurité, autonomie pour faire plus tard ce qui me plaisait mais qui ne rapportait pas d’argent.
C’est en septembre 2016 qu’une rencontre marquante me permet de comprendre ce qu'il en est. Je participe à un séminaire avec Peter Koenig qui a fait de la recherche sur la relation à l’argent. Il nous demande d’explorer cette piste : Pour moi l’argent c’est … Je suis fascinée par tous les mots qui sortent de la bouche des participants et j’accède immédiatement à une mémoire inconsciente. Par quel processus?
L’outil PKS (Peter Koenig System)
P. Koenig compare l’argent à un écran vide sur lequel on projette une pensée et à travers lequel cette pensée se concrétise. Mais au lieu de considérer l’argent comme un support neutre, nous lui attribuons inconsciemment des qualités positives ou négatives. Parmi les choses habituelles, on retrouve la sécurité, le bonheur, la liberté… Dans les attributs négatifs, l’argent c’est sale, lourd, source de conflits… Apparemment on peut tout projeter sur ce moyen nommé argent. On se dit même qu’on ne peut exister sans lui. Grâce au puissant outil des réappropriations, nous prenons conscience de nos projections pour les intégrer et les transformer. Voici deux exemples qui illustrent ce concept.
L’argent, c’est l’autonomie
Parmi les qualités subjectives que j’attribuais à l’argent, l’autonomie occupait la première place. Lorsque je suis devenue mère, la question de la dépendance vis-à-vis de mon mari a augmenté significativement. J’ai arrêté de travailler et je me suis sentie piégée. La croyance héritée de ma mère selon laquelle gagner de l’argent offre l’indépendance prit soudain un aspect très concret.
En effet, l’autonomie serait la seule qualité qui soit quasi exclusivement citée par les femmes. Qu’elles lient inconsciemment autonomie et salaire n’est pas étonnant. Cela ne fait pas si longtemps que les femmes sont sur le marché du travail. Au début, elles apportaient le deuxième salaire au foyer, raison pour laquelle les métiers dits féminins sont aussi mal payés. Ce n’est qu’avec l’augmentation des divorces, que l’on voit davantage de femmes indépendantes qui se retrouvent à devoir gagner autant d’argent qu’un homme.
A un moment donné, j’ai cru qu’en me mettant à mon compte, j’allais en finir avec la dépendance. Mais en réalité, rien n’a changé. Pourquoi ? Parce que j’avais gardé le même schéma de pensée. Ce qu’il est important de comprendre, c’est la différence entre l’indépendance et la croyance que pour prouver son indépendance, il faut résister à la dépendance. Paradoxalement, les femmes ne deviennent réellement indépendantes que lorsqu’elles réalisent qu’elles sont dépendantes d’un tas de choses et que l’argent n’a rien à voir là dedans. On peut se sentir autonome sans gagner de l’argent ou gagner énormément d’argent et se sentir très dépendante. Celle qui a peur de la dépendance se rend dépendante de cette croyance. L’enjeu fut donc de reprendre ces deux forces en moi (autonomie vs dépendance) pour qu’elles soient à mon service plutôt que de rester des énergies inconscientes qui bondissent de façon inappropriée, incontrôlée.
"Je n’arriverai jamais à me vendre." Cette phrase, je l’entends beaucoup dans ma pratique. Elle émane de femmes indépendantes, d’artistes, artisanes qui n’osent pas montrer leurs créations ou encore de femmes actives dans les prestations de services : les guérisseuses, les aidantes, les gardiennes, les créatrices qui œuvrent gratuitement ou pour des rémunérations dérisoires. Derrière cette expression très forte se cache une peur où se profile l’ombre de la salope, de la prostituée. Inconsciemment la femme redoute de se mettre en avant pour proposer ses services, pour demander de l’argent en échange ou pour négocier un prix. Ces projections proviennent de messages inconscients transmis aux femmes depuis l’époque où nos grands-mères n’avaient pas le choix. Elles ont une incidence particulière sur les carrières et les vies des femmes.
Pourrions-nous vivre sans argent ? On entend dire que c’est l’argent qui fait tourner le monde. Pourrions-nous vivre sans lui ? Ce sera sans doute possible quand l’argent sera devenu inutile, qu’il n’aura plus aucun sens et que nous serons tous éclairés. Il faudra attendre encore longtemps pour que de telles conditions soient créées car nous avons perdu la conscience du fonctionnement de l’argent. On fait les choses pour l’argent au lieu de faire ce qui nous plait avec ou sans argent.
Aujourd’hui, j’utilise le PKS comme je me brosse les dents. Sa pratique régulière me permet de développer mon identité, de suivre mon élan et de déployer mes talents. L’argent est devenu un allié pour mes projets. Je le prends et le fais circuler d’une manière qui a du sens pour moi, qui m’apporte de la joie et qui contribue à la société dans laquelle je veux vivre. Je me suis formée au PKS afin d’accompagner les personnes sur ce chemin de libération. Avec les autres praticiens, nous souhaitons projeter l’amour sur l’argent et créer plus de bonheur et d’éthique dans une société où l’argent a cours. Il est un merveilleux bulletin de vote. C’est l’être humain qui fait tourner le monde, avec et sans argent !
Article publié dans la revue Rêve de Femmes n°54 Hiver 2021
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